Méditation sur le message de Carême du Pape François
« A travers le désert, Dieu nous guide vers la liberté »
Le message du pape François, en ce temps de Carême, nous appelle à faire et à vivre une traversée libératrice de nos déserts à l’image du peuple d’Israël sortant de son expérience de servitude. Cette traversée s’effectue par un chemin de liberté qui est loin d’être facile. Dieu nous a créés libres et nous veut libres, et c’est pourquoi, en son Fils Jésus-Christ, il nous a libérés et ne cesse de nous appeler à la liberté, parce qu’il sait et voit que nous avons souvent tendance à nous mettre sous le joug d’autres maîtres ou à nous forger des chaînes qui nous rendent esclaves.
Recouvrir le goût de la liberté s’acquiert dans et par un cheminement où Dieu ne cesse de nous éduquer à la liberté dans le face-à-face de l’amour. Le Carême est ce temps du retour au « premier amour » avec Dieu ; c’est le temps d’une réponse d’amour à l’amour en toute confiance. A ce propos, le Pape attire notre attention sur le danger des discours éthérés, des promesses non tenues et des résolutions non assumées dans le concret de l’existence. C’est dire que « l’exode de l’esclavage vers la liberté n’est pas un chemin abstrait », et notre Carême ne doit pas en rester aux intentions, aux souhaits, « notre Carême doit être concret ». Pour nous aider à cela, le Pape nous demande de contempler le visage de Dieu qui s’est penché sur Israël pendant qu’il était dans l’état de servitude. C’est « un Dieu qui voit, qui écoute, qui entend, qui s’émeut et qui libère » ; « un Dieu de pitié et de tendresse, patient, plein d’amour et de fidélité » (cf. Ex 34, 6s).
C’est l’occasion pour le Pape de nous appeler à revenir à la réalité : la nôtre et celle de nos frères et sœurs.
D’abord, revenir à notre propre réalité pour voir sous quelle domination nous sommes réellement et quelle liberté nous désirons. A ce propos, le Pape nous parle de ces redoutables idoles qui nous épuisent : « pouvoir tout faire, être reconnu par tous, avoir le dessus sur tout le monde » ; c’est la « séduction du mensonge », c’est « s’accrocher à l’argent, à certains projets, à des idées, à des objectifs, à notre position, à une tradition, voire à des personnes ». Pour le Pape, ces choses sont mauvaises quand, au lieu de nous faire avancer, elles nous paralysent ; au lieu de nous rapprocher, elles nous opposent. Ces idoles-là ne nous ouvrent pas à l’au-delà, mais nous emprisonnent dans l’ici-bas et l’apparence.
Ensuite, le Pape ajoute qu’il nous faut revenir à la réalité de nos frères et sœurs, pour ne pas sombrer dans l’indifférence ; cette indifférence qui nous rend aveugles et sourds à la misère et aux cris des autres et de tous les autres. Cette indifférence qui nous éloigne les uns des autres, parce que nous ne savons plus nous arrêter « comme le bon samaritain », en présence du frère ou de la sœur en détresse. Cette indifférence est marquée par le signe d’un « défaut d’espérance ».
Le temps du carême nous donne l’occasion de redécouvrir la vertu de l’espérance qui doit tenir la main à notre foi et notre charité pour les « tirer en avant ». C’est comprendre qu’il y a dans l’espérance une force. L’espérance est un « moteur » qui nous mobilise et nous fait avancer sans découragement. Elle peut alors :
« Tirer en avant » notre foi comme enracinement dans la vérité de la présence et de l’action de Dieu dans notre histoire et dans nos vies ; ce Dieu en qui nous mettons notre confiance laquelle s’exprime dans le cœur à cœur de la prière, de la louange et de l’adoration. Une foi qui dilate notre cœur aux dimension du cœur de Dieu en nous laissant configurer à son image, et en le laissant imprimer en nous les traits de son Fils unique en qui nous avons la grâce de l’adoption.
« Tirer en avant » notre charité afin qu’elle soit concrète et active dans la prise en charge de la fraternité, de l’écoute et de l’entraide. Dans ce sens, nous n’avons besoin ni de loupe, ni de télescope pour voir nos frères et sœurs qui ont besoin de notre attention, de notre soutien et de notre compassion. Tirer notre charité en avant dans le sens de nous désencombrer de toutes ces idoles, et laisser Dieu faire sa demeure en nous.
C’est animés par ces vertus de la foi, de l’espérance et de la charité que nous pouvons considérer à nouveaux frais notre vie, nos relations interpersonnelles et notre environnement ; les revoir avec le regard de Dieu lui-même ; un regard qui ne fige pas, mais suscite la liberté ; un regard qui n’attriste pas, mais éveille à la joie ; un regard qui ne décourage pas mais pousse à se rendre meilleur ; un regard qui ne menace pas mais suscite la paix et la confiance ; un regard qui ne juge pas, mais libère pour l’amour, bref un regard converti, c’est-à-dire tourné vers Dieu qui nécessairement, nous tourne vers les autres et tous les autres.
C’est ce à quoi nous sommes appelés en ce temps favorable qui est un temps de décision personnelle et communautaire pour nous rendre meilleurs et rendre notre monde meilleur, un objectif que la prière, le jeune et l’aumône doivent toujours viser, en tant qu’ouverture vers Dieu et les autres. Cette ouverture que le Christ ne cesse de réaliser envers Dieu son Père, et envers nous ses frères et sœurs dans la puissance de l’Esprit Saint. Alors, en ce temps de Carême, ayons toujours les yeux fixés sur Jésus-Christ.
Abbé Jacques Diouf – Aumônier de l’ISG